Passons désormais au coeur de l'étude : peut-on profiler des joueurs de jeux vidéos dont la pratique peut engendrer un risque de désocialisation ?
Les chercheurs en psychologie se sont longtemps creusés la tête sur la question et ont élaboré quelques outils pour mesurer le risque. La contribution de Mrs Saunders est d'utiliser des questionnaires, élaborés par des psychologues par le passé, et de les combiner entre eux pour avoir une vue globale. Ces questionnaires analysent la personnalité, les motivations à jouer ainsi que les comportements à risque. Avant de vous livrer les résultats, il est préférable de vous initier rapidement à ces travaux.
Il existe des risque liés à la pratique excessive des jeux vidéos :
Nous souhaitons désamorcer les polémiques avant qu'elles ne bourgeonnent : le jeu vidéo peut présenter des risques tout comme la fréquentation des casinos ou une pratique déraisonnable du sport. Il ne s'agit pas de stigmatiser des gens en fonction de leur loisir, il s'agit d'analyser froidement un situation. Il ne sert à rien de le nier, des cas de joueurs décédés à cause de jeux vidéos ont été avérés par le passé, en particulier en Asie.
Bien entendu, ne tombons pas dans l'excès inverse : la majorité des joueurs qui jouent à Guild Wars 2 (et aux jeux vidéos de manière générale) ne sont pas des cas sociaux.
De fait, il est d'utilité publique de reconnaître à l'avance et de corriger des pratiques à risque avant que la situation ne dégénère. Nous parlons de pratiques à risque et non d'addiction : d'une part parce que définir précisément le mot "addiction" est un merdier insondable et d'autre-part parce que les ressorts psychologiques derrière la pratique excessive des jeux vidéos n'ont rien à voir avec ceux derrière la consommation de drogue. La psychologie et d'autres disciplines ont effectué des travaux pour mieux comprendre ces phénomènes.
Six risques concernent les joueurs :
Dans ce but, des psychologues ont conçu un "questionnaire de comportements problématiques pour les jeux en ligne". Ce questionnaire mesure 6 risques associés à la pratique du jeu en ligne et tente de déterminer si la personne qui répond au questionnaire y est exposée :
- La préoccupation : trop penser au jeu au détriment de la vie réelle.
- Le surmenage : quand la frontière entre loisir et travail devient trop poreuse.
- L'immersion : l'individu se met à faire du roleplay IRL plus que de raison.
- L'isolement social : en gros "l'ado dans sa chambre"
- Les conflits interpersonnels : devenir un "cassos" qui prend le chou de son entourage.
- Le manque : le risque prévalant chez les consommateurs de narcotiques. Couvre toutes les sensations de manque ressenties par l'individu.
Cinq dimensions, une personnalité :
Pour les psychologues, la personnalité de chaque individu peut être décomposée en 5 dimensions majeures qui permettent de décrire les comportements et motivations de chacun. Il ne s'agit pas tant d'une théorie de la personnalité mais davantage d'un ensemble de repères pour décrire des personnalités. Ces dimensions sont :
- L'Ouverture : cette dimension décrit la propension d'un individu à accepter les idées inhabituelles
- La Conscienciosité : cette dimension décrit la capacité de l'individu à s'organiser et s'auto-contrôler
- L'Extraversion : cette dimension décrit la propension de l'individu à rechercher la compagnie d'autres individus
- L'Agréabilité : caractérise la tendance d'un individu à coopérer ou s'opposer à ses semblables
- Le Névrotisme : mesure la stabilité émotionnelle de l'individu
L'intérêt de ces dimensions réside dans leur indépendance : une personne ouverte a autant de chance d'être névrotique ou non. Malgré-tout cette analyse dimensionnelle a ses limites : les dimensions sont légèrement redondantes et donnent une description incomplète de la personnalité de chacun. Il nous faut compléter ces dimensions avec d'autres éléments.
Qu'est-ce qui nous motive à jouer ?
En complément des 5 dimensions citées plus haut, Phoebe a analysé les motivations qui ont poussé les sondés à jouer à GW2. Cette démarche semble évidente dans le cadre d'une telle étude. Des travaux antérieurs analysant les raisons de jouer existent déjà et des questionnaires ont été créés (certains spécialisés pour les MMOs) par le passé pour mesurer l'importance des différentes raisons. Chaque individu a ses propres motivations lorqu'il allume GW2 mais nous pouvons effectuer un regroupement en trois grandes catégories avec des sous-catégories :
- L'immersion
- Découvrir de nouveaux lieux
- Le Role-Play
- La personnalisation
- L'évasion du monde réel
- La compétition
- L'avancement (leveling, richesse en jeu, réputations etc.)
- Connaissance des mécaniques (optimisation, planification, exploits, métagame)
- Droits de vantardise (classement JcJ, McM, nb de vues sur youtube/twitch, apparences rares)
- L'aspect social
- Relationnel
- Socialisation
- Effort de groupe
Comme les 5 dimensions mentionnées plus haut, ces motivations à jouer ne sont pas en compétition les unes avec les autres. Un joueur très compétitif n'est pas forcément anti-social ou incapable de s'immerger dans l'univers du jeu.
Les raisons de l'attachement au jeu :
Les relations sont au coeur du comportement de l'individu mais les raisons qui poussent une personne à s'attacher sont diverses. Une relation peut être basée sur l'anxiété ou l'évitement. En plus de ces deux catégories, une mesure de "l'attachement général" permet de décrire la propension d'un individu à accorder beaucoup d'importance à établir des relations avec des objets, des lieux ou des personnes.
L'auto-détermination :
Dernier point étudié par Mrs Saunders dans son questionnaire adressé aux joueurs de MMOs, l'auto-détermination est une échelle qui permet de mesurer la capacité des individus à faire des choix conscients (nous parlons alors de conscience de soi et de choix perçus). Les personnes qui agissent de façon autonome sont considérées comme conscientes de leurs émotions et de leur individualités. Ces personnes se sentent responsables de leur propre comportement et croient qu'elles ont des choix à faire à propos de leur comportement. À l'inverse, des personnes avec un score bas sur l'auto-détermination font des choix instinctifs et se laissent guider par leurs émotions, sans forcément comprendre la portée de leurs actes.